
Le sapin
Le premier « arbre de Noël » apparaît à Sélestat en Alsace en 1521. Il arrive en France de l’intérieur en 1738, apporté par l’épouse lorraine de Louis XV, Marie Leszczynska. Avant cela, la tradition était plutôt de planter un tel arbre au mois de mai, et ce rite portait le nom de « esmayen », qui signifie « planter le mai » en alsacien. Mai et décembre, « ce sont les deux axes de l’année, été et hiver, matérialisés par un arbre à feuilles persistantes comme symbole de la permanence et du renouveau perpétuel de la nature », analyse Philippe Walter, professeur de littérature française au Moyen Âge à l’université Stendhal de Grenoble et directeur du Centre de recherche sur l’imaginaire.
Rien de chrétien à la base, donc. Pourtant, au milieu du XIXe siècle, les écoles du dimanche protestantes vont généraliser la « fête de l’arbre » comme outil pédagogique pour enseigner aux enfants la signification de Noël, selon Anne Ruolt, enseignante à l’Institut biblique de Nogent, docteur en sciences de l’éducation. Il s’agit d’une « introduction germanique » dont l’objectif était d’« attirer l’attention des enfants en faisant appel aux sentiments et à l’imaginaire, au-delà de l’intellect. Cet arbre devait émerveiller les enfants pour les amener à réfléchir ». Il se voulait une matérialisation du Psaume 1er, qui décrit le croyant comme « un arbre restant toujours vert ».
Plus tard, le sapin de Noël en est venu à symboliser l’arbre de la vie de la Genèse, décoré de vrais fruits. Selon Michèle Clavier, professeur de théologie à l’université catholique de Lille, « en Alsace, on y accrochait de vraies pommes, qui sont devenues aujourd’hui les boules de Noël. La pomme fait référence au fruit de l’arbre de la vie ». Mais Philippe Walter précise que, « dans la tradition celtique, le pommier est l’arbre de l’autre monde ».
La crèche
Alors que le sapin de Noël a des origines protestantes, les Églises de la Réforme étant hostiles aux statues, la crèche, elle, relève d’une symbolique toute catholique. On attribue son invention à saint François d’Assise au début du XIIIe siècle. « Il s’agissait d’une crèche avec des personnages vivants : Marie, l’Enfant Jésus, les bergers, les Rois mages, etc., explique Philippe Walter. Saint François voulait donner aux fidèles une image vivante du mystère de la Nativité afin de frapper leur imagination et d’être proche de leurs repères paysans avec l’âne et le bœuf, inconnus des évangiles canoniques. » Selon Michèle Clavier, « ces représentations populaires se sont par la suite répandues très facilement au sein d’une population qui ne savait pas lire ». Tout comme les vitraux, les crèches se voulaient une catéchèse.
Pour la théologienne catholique, de telles scènes « en chair et en os » sont les bienvenues pour illustrer « l’incarnation de Dieu. Cela permet de toucher du doigt l’humilité de Dieu, venu dans la paille des hommes ». Pour elle, ce symbole est « le lien entre le monde spirituel et notre monde sensible. Pour croire aux dons de Dieu, on a besoin d’y toucher. Certes le petit Jésus de la crèche n’est pas Dieu, mais être en prière devant ce tableau aide à intérioriser le mystère de l’incarnation et à être en relation avec l’invisible ».

Les bougies
Voilà un symbole bien biblique, selon Michèle Clavier. « Déjà dans le judaïsme, l’usage de la bougie ou de la chandelle pour accompagner celui qui veille la nuit est de mise. Jésus, qui était juif, a pris appui sur la symbolique que son peuple connaissait bien pour affirmer qu’il était, désormais, “la lumière qui ne s’éteint jamais”. »
Les bougies ont alors été intégrées à la scénographie de la fête de l’arbre des écoles du dimanche au XIXe siècle. « L’arbre était illuminé pour illustrer le verset d’Ésaïe, repris dans les évangiles : “Sur ceux qui étaient assis dans la région et l’ombre de la mort la lumière s’est levée.” Cette lumière, c’est Christ », commente Anne Ruolt. Les bougies du sapin avaient aussi une utilité pédagogique : « Que les enfants soient canalisés et ne s’excitent pas trop à travers un moment très solennel », poursuit Anne Ruolt. La mise en scène était recherchée : on provoquait le noir absolu pour ensuite apporter dans la salle de culte le sapin illuminé, pour que la lumière (Christ) soit éblouissante.
Or, les bougies ne se retrouvent pas que sur le sapin (aujourd’hui sous forme de guirlandes électriques). Elles ont aussi toute une signification, placées sur une couronne de l’avent. Michèle Clavier « aime ce symbole des quatre semaines qui précèdent Noël pendant lesquelles la lumière grandit petit à petit, pour familiariser nos yeux à la lumière qui s’approche. C’est le symbole de Christ, lumière du monde qui vient à notre rencontre ». La première couronne apparaît à Hambourg en 1839, inventée par un pasteur fondateur d’une école pour enfants défavorisés. Il voulait mettre en place une activité pour contenir l’impatience des plus turbulents à l’approche de Noël : sur une roue de charrue, il place quatre grandes bougies blanches, et 24 petites rouges, pour en allumer une par jour jusqu’à au jour de Noël.
Ailleurs, en Europe du Nord, notamment en Suède luthérienne, on retrouve la tradition de sainte Lucie, (du latin « lux » signifiant lumière). « Les jeunes filles portent sur la tête une couronne de bougies », explique Philippe Walter, qui y voit un lien avec la fête païenne du solstice d’hiver, « moment où la lumière du soleil revient sur la terre ».

La bûche
« À l’origine, il ne s’agit pas d’une pâtisserie en chocolat mais d’un véritable morceau de bois qu’on fait brûler dans la cheminée durant la veillée de Noël, explique Philippe Walter. L’origine de la coutume est certainement un rite païen du feu puisque Noël correspond au solstice d’hiver. C’est le moment où le soleil retrouve sa force et son éclat. Ce soleil créateur bénéficie donc de pouvoir magique. La naissance du Christ fixée tardivement au 25 décembre fait de lui un personnage solaire. »
Quant à la bûche de Noël, « on la gardait toute l’année dans la maison pour se protéger du feu et des orages ». Anne Ruolt renchérit : « Le père de famille bénissait une bûche avec de l’eau et du sel, parfois allumée par une jeune fille la nuit de Noël. La croyance populaire conférait à ce rite des vertus protectrices pour la famille et aux cendres des vertus thérapeutiques. L’observation de la bûche se consommant donnait parfois lieu à toutes sortes de prédictions sur les récoltes à venir, le nombre d’animaux à naître dans la basse-cour, jusqu’au nombre de mariages dans la famille ! »
Malgré ces origines païennes et superstitieuses, Michèle Clavier y voit aujourd’hui une signification qui peut être chrétienne : « La bûche est ce que l’on met dans le feu pour se réchauffer. Elle représente le foyer. C’est la symbolique de la réunion familiale où l’on vient se réchauffer. » Est-ce donc paradoxal ou bien révélateur de notre société actuelle que la bûche soit devenue… glacée ?

Les cadeaux
Selon Philippe Walter, « les cadeaux dits “de Noël” sont en fait les étrennes du 1er janvier. La coutume est bien attestée dans l’Empire romain. Janvier, c’est le mois de Janus, le dieu à deux têtes : une jeune et une vieille, figures de la jeune et de l’ancienne année. Les cadeaux sont un rite de bon augure. » Au Moyen Âge, on attendait entre Noël et l’Épiphanie la visite des fées d’Abondance. « Cette croyance en la visite des fées pourvoyeuses de cadeaux est condamnée par un évêque au XIIIe siècle comme une superstition antichrétienne, » note avec humour le professeur de littérature.
Et pourtant, au XIXe siècle, les écoles du dimanche généralisent la remise de prix au moment de Noël pour encourager les enfants dans leurs progrès d’apprentissage, selon Anne Ruolt. Ces cadeaux prennent la forme de livres, de canifs, de cahiers ou même de chaussures. Tout un débat théologique les entoure, car les protestants ne veulent pas en faire un salaire destiné à récompenser les meilleurs pour flatter leur orgueil. La grâce doit primer. Ces cadeaux doivent donc être « un signe d’approbation donné à tous pour saluer le travail et les efforts fournis. Ce qui importe, c’est la parole qui les accompagne, une parole de bénédiction qui doit stimuler, encourager et reconnaître l’enfant dans sa progression », poursuit Anne Ruolt.
Aujourd’hui, il en reste, selon Michèle Clavier, « une façon d’exprimer l’affection que l’on porte à quelqu’un ». Et pour ne pas tomber dans le piège consumériste, la théologienne catholique rappelle que « le plus beau cadeau reste celui qui n’a pas de valeur commerciale, comme le dessin d’un enfant qui y a mis tout son cœur ». Mais surtout, « d’un point de vue chrétien, c’est Jésus qui est le cadeau de Dieu aux hommes ».
