Deux femmes °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° .
Je suis une femme
Je suis une femme .
Je suis une femme
née d'une femme
dont l'homme acheta une usine.

Je suis une femme
née d'une femme
dont l'homme travailla à l'usine. .
Je suis une femme
dont l'homme porte des costumes de soie;
qui surveille constamment son poids.
Je suis une femme
dont l'homme porte des costumes
en lambeaux,
dont le coeur est constamment serré
à cause de la faim .
Je suis une femme qui éleva
deux bébés
qui devinrent de beaux enfants.
Je suis une femme qui éleva
deux bébés morts faute de lait . .
Je suis une femme qui éleva
des jumeaux
qui allèrent au lycée
et passèrent leurs vacances
à l'étranger.
Je suis une femme qui éleva
trois enfants
dont les ventres
sont plats faute de nourriture . .

Mais un homme vint ;
Mais un homme vint ; .
Et il raconta aux paysan
s qu'ils s'enrichiraient
et que ma famille s'appauvrirait
Et il me parla de jours meilleurs,
et il fit des jours meilleurs . .
Nous devions manger du riz
Nous mangions du riz .
Nous devions manger des haricots !
Nous mangions des haricots .
On n'accorda plus de visa
à mes enfants
pour qu'ils puissent partir e
n vacances en Europe.
Mes enfants ne pleuraient plus
pour s'endormir . .
Et je me sentis paysanne
Et je me sentis une femme . .
Une paysanne
avec une vie ennuyeuse, dure,
sans attrait .
Une femme avec une vie
qui lui permettait
parfois de chanter . .
Et je rencontrai un homme.
Et je rencontrai un homme. .
Et ensemble
nous commençâmes
à comploter
avec l'espoir
de retrouver la liberté.
Je vis son coeur
se mettre à battre
avec l'espoir
de la liberté, enfin . .
Un jour, le retour de la liberté.
Un jour la liberté . .
Et alors, Mais alors, .
Un jour, Un jour, .
Il y eut des avions au-dessus
de nos têtes et des fusils
qui tiraient tout près.
Il y eut des avions
au-dessus de nos têtes
et des fusils qui tiraient au loin . .
Je rassemblai mes enfants
et rentrai chez moi.
Je rassemblai mes enfants
et courus . .
Et les fusils s'éloignèrent de plus en plus.
Et les fusils se rapprochèrent de plus en plus. .
Et alors ils annoncèrent
le retour de la liberté!
Et alors ils arrivèrent,
c'était de très jeunes hommes. .
Ils vinrent en compagnie
de mon homme.
Ils vinrent et trouvèrent mon homme. .
Ces hommes
qui avaient presque tout perdu.
Ils trouvèrent tous ces hommes
qui ne possédaient que leur vie . .
Et nous trinquâmes
pour fêter l'événement .
Et ils les tuèrent tous . .
Les meilleurs apéritifs .
Ils tuèrent mon homme . .
Puis ils nous invitèrent
à danser .
Puis ils vinrent pour moi . .
Moi .
Pour moi, la femme . .
Et ma soeur .
Et pour ma soeur . .
Alors, ils nous emmenèrent,
Ils nous emmenèrent , .
Ils nous emmenèrent dîner
dans un petit club privé .
Ils nous arrachèrent
la dignité
que nous avions gagnée . .
Et ils nous offrirent du boeuf .
Et ils nous frappèrent . .
Les plats se suivaient
sans cesse .
Sans cesse ils étaient sur nous . .
Nous étions prêt d'éclater
tant nous avions mangé .
Coup de poing, immersion -
les soeurs saignent, les soeurs meurent . .
C'était magnifique
d'être libre à nouveau !
C'était vraiment un soulagement que d'avoir survécu . .
Les haricots avaient maintenant
presque disparu .
Les haricots avaient
disparu . .
Le riz, je l'avais remplacé
par du poulet ou du steak .
Le riz, je n'en trouve pas . .
Et les fêtes continuent
nuit après nuit
pour effacer tout le temps perdu .
Et mes larmes silencieuses
se joignent à nouveau
aux cris nocturnes
de mes enfants. .
Et je me sens à nouveau
une femme .
On dit que je suis
une femme . .
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Traduit de l'Américain par MVT . Ce texte a été écrit par une ouvrière chilienne, en 1973, peu après l'assassinat du Président Allende . Une missionnaire américaine le traduisit et l'emporta avec elle quand elle fut expulsée du Chili . . . Ces textes ont été extraits des numéros 19, 20 et 22 de la revue culturelle amérindienne: " SUR LE DOS DE LA TORTUE " 1, PLACE DE L'ÉGLISE 13120 BIVER-FRANCE (abonnement annuel : France et C.E.E. 150 FF ) que je remercie pour son autorisation de reproduction .